En septembre 2021, le Comité européen du risque systémique (CERS), qui supervise le système financier de l’Union européenne (UE) pour prévenir et atténuer les risques, a publié un rapport ponctuel consacré à l’importance de l’Identifiant d’entité juridique (LEI). Le rapport met en lumière les opportunités offertes par le LEI pour accélérer, sécuriser les transactions et en réduire le coût, sur les marchés financiers, mais aussi pour toutes les transactions financières qui impliquent des entités juridiques, à travers le monde. Dans ce blog, la GLEIF se félicite des recommandations formulées par le CERS et offre un point de vue élargi concernant la manière dont la réglementation pourrait permettre au LEI de les mettre en pratique en surmontant les obstacles qui l’empêchent de devenir la forme numérisée d’identité d’entreprise reconnue dans le monde entier.
L’identification claire et correcte des entités impliquées dans des transactions financières est un élément clé pour garantir la stabilité financière, aussi bien dans l’UE que dans le monde. Le rapport du CERS explique que « le LEI […] est en mesure de s’imposer comme l’identifiant de l’économie mondiale. Assorti d'avantages uniques et importants, il fournit une norme et un format pour l’ensemble des juridictions, il est lisible dans toutes les langues et il permet de regrouper les informations récupérables partout dans le monde. »
La GLEIF se réjouit de cette analyse et la partage pleinement.
Pour que le LEI remplisse ce rôle, le Global LEI System doit désormais dépasser son objectif initial de permettre l’identification des entités sur les marchés des capitaux et d’élargir son champ d’action aux transactions interentreprises. Les exemples de cas d’utilisation sont multiples : les processus de facturation pourraient s'appliquer avec plus de sécurité et d'efficacité en s’appuyant sur le LEI plutôt que sur les noms et l’analyse de texte comme c’est le cas aujourd’hui. Le financement du commerce est déjà optimisé en exploitant le LEI et en éliminant les complexités liées à l’analyse de différentes langues et alphabets. Les paiements transfrontaliers peuvent être également considérablement améliorés en utilisant le LEI pour identifier le bénéficiaire et le donneur d’ordre, comme le préconise la feuille de route de la phase 3 du rapport sur l’amélioration des paiements transfrontaliers du Conseil de stabilité financière (CSF).
Bien que le CERS reconnaisse le potentiel considérable du LEI, il met également en évidence les freins possibles à son adoption mondiale, par les entités juridiques tant financières que non-financières. Citons notamment les problèmes liés au coût de l’obtention et du renouvellement des LEI, notamment pour les petites entités ; l’absence d’intérêt et la méconnaissance du LEI en dehors du secteur des services financiers, ainsi que l’absence d’exigences légales imposant l’utilisation du LEI dans les juridictions internationales. Le taux de renouvellement annuel actuel, qui nécessite la mise à jour des données de référence de l’entité juridique si elles ont changé, ne suffit pas à garantir l’efficacité de la supervision, car les données de référence doivent être continuellement mises à jour afin de garantir une supervision optimale.
Pour venir à bout de ces obstacles, le rapport du CERS conseille d'étendre le système mondial actuel pour l’émission de LEI afin d'incorporer les registres nationaux des sociétés, qui pourraient émettre des LEI sur le lieu d’enregistrement des entités, et les institutions financières, qui peuvent faciliter l’émission de LEI à leurs clients en assumant les rôles d’agent d’enregistrement ou de validation.
Modifications possibles des réglementations
Même si la GLEIF n’est pas un organisme de réglementation, elle peut offrir un point de vue opérationnel sur le rôle important de soutien que la réglementation internationale pourrait jouer en aidant le Global LEI System à appliquer les recommandations du CERS.
Droit des sociétés
L'analyse des modifications possibles du droit des sociétés à l’échelle mondiale pour déléguer l’émission des LEI à toutes les entités enregistrées dans les registres des sociétés correspondants au sein de chaque juridiction permettrait d’éliminer le coût et les formalités administratives qui, dans le système actuel, sont du ressort de l’entité juridique. Si les LEI étaient au contraire émis par les registres des sociétés, cela constituerait un tournant en faveur d’un système dans lequel les États (à travers leur registre des sociétés) émettraient des LEI à partir des données déjà disponibles dans le registre officiel.
Les avantages en seraient :
Réactions des autorités de l’UE
En décembre 2021, la Commission européenne a publié sa Communication sur une stratégie sur les données de surveillance dans les services financiers de l’UE, qui peut être consultée ici. La Commission y explique qu’elle proposera des modifications des cadres de reporting correspondants afin d’exiger la déclaration systématique des LEI par les entités qui en possèdent un et, d’ici 2023, rendre ou non obligatoire le LEI pour un éventail plus large d’entités juridiques. Par exemple, la Commission propose d’accroître l’utilisation du LEI dans les paiements et dans le cadre du paquet législatif sur la lutte contre le blanchiment d’argent.
En février 2022, l’Autorité bancaire européenne (EBA) a publié sa réponse à la recommandation du CERS sur l’identification des entités juridiques. L’EBA se déclare favorable à l’introduction d’une exigence juridiquement contraignante d’utiliser le LEI à l’échelle de l’UE. Par ailleurs, l’EBA affirme soutenir toute initiative visant à généraliser l’utilisation des LEI et s’attend à un renforcement de l’utilisation du LEI dans des domaines tels que le reporting lié aux paiements.
Législation en matière de lutte contre le blanchiment d’argent
Une autre manière d’appliquer les recommandations du CERS pourrait consister en des modifications aux réglementations sur la lutte contre le blanchiment d’argent à travers le monde. Ces lois pourraient évoluer jusqu'à imposer aux institutions financières l'usage du LEI pour toutes les entités juridiques dans le cadre de la diligence saine des clients.
La mise en application serait confiée au secteur bancaire pour un coût très faible pour les entités juridiques. Les institutions financières peuvent déjà devenir agents de validation ou d’enregistrement en collaborant avec un émetteur de LEI accrédité pour émettre des LEI pour tous leurs clients. Ces modèles opérationnels existent déjà dans le Global LEI System.
Cela permettrait également de renforcer la couverture mondiale car les entités impliquées dans des transactions financières qui sont établies en dehors de la juridiction d’un régulateur devraient également se mettre en conformité. Cela confèrerait également
une plus grande transparence aux autorités de surveillance sur les entités impliquées sur leurs marchés et qui ne relèvent pas de sa juridiction.
Pour le modèle opérationnel de l’agent de validation, les coûts supplémentaires de la génération de LEI sont relativement faibles car l’émission et le renouvellement des LEI sont intégrés dans les processus d’intégration et de diligence saine existants. Dans de nombreux cas, les coûts seraient pris en charge par l’institution financière. Les coûts totaux d’émission des LEI diminueraient également dans ce modèle, quoique dans une moindre mesure que lorsque le registre des sociétés est impliqué.
Loi sur les paiements
Enfin, la législation sur les paiements peut être également mise à profit. L’utilisation du LEI pour identifier le donneur d’ordre et le bénéficiaire des paiements répond parfaitement à la volonté d’améliorer l’efficacité à travers l’application des normes internationales. La transition mondiale vers la norme de messagerie financière ISO 20022 faciliterait également l’intégration car le LEI est déjà une norme d’identité reconnue dans le cadre de l'ISO 20022. Comme expliqué dans la partie consacrée à la lutte contre le blanchiment d’argent, l’intégration du LEI dans les paiements implique d’avoir recours aux institutions financières pour faciliter l’obtention et la conservation des LEI pour leur clientèle.
La mise en place d’un identifiant mondial est plus que jamais nécessaire et accélérée par la numérisation des économies mondiales. Les entreprises et les consommateurs du monde entier bénéficieront de toute initiative concertée et coordonnée visant à instaurer une norme mondiale et non-exclusive qui valide l’identité des entités avec lesquelles ils font des affaires,
dans le cadre des échanges commerciaux transfrontaliers, mais aussi dans le cadre des achats, des paiements sur Internet, de la facturation et d’autres activités connexes.
La généralisation du LEI, à commencer par la délégation de l’émission à toutes les entités, permettrait aux entreprises d’avoir une meilleure visibilité sur les investisseurs internationaux dans d’autres juridictions, à un coût minime. Elle permettrait également une amélioration de la sécurité pour le commerce en ligne et toutes les transactions électroniques.
C’est une opportunité unique. Comme l’explique le CERS, « un large consensus international a déjà été atteint concernant le LEI, lui conférant un avantage significatif sur d’autres identifiants d’entité régionaux et internationaux utilisés dans le monde. » De plus, le Global LEI System est le seul système cautionné réglementaire, ouvert et commercialement neutre, capable d’instaurer une confiance numérisée entre toutes les entités juridiques du monde entier. Il a été érigé au rang de bien public et la GLEIF continuera à favoriser son adoption et son utilisation par le plus grand nombre d’entités juridiques possible à travers le monde.